Mon père a été médecin généraliste en Bretagne des années 1960 jusqu’à sa retraite au milieu des années 1990. Dans son cabinet médical au rez-de-chaussée de la maison familiale, il a consacré à sa patientèle l’essentiel de son temps, le jour et parfois la nuit. Cet intérêt profond pour l’autre, et la conscience des disfonctionnements du corps, pourraient être un des fils conducteurs de cette série, entamée en 2019.
Je trace ici une ligne entre le passé et le présent – entre mon père et mon fils adoptif. Axel est né en Côte d’Ivoire il y a dix ans. Il est porteur sain d’une drépanocytose AC, maladie génétique héréditaire du sang, dont il ne développera pas les symptômes. Méconnue voire taboue, la drépanocytose concerne 300 000 naissances par an dans le monde. Originaire d’Afrique et d’Inde, elle est aujourd’hui, en raison des flux migratoires, très largement répandue dans la majorité des pays. Elle est caractérisée par une anomalie des globules rouges. Devenus rigides et fragiles, en forme de faucille, ils perturbent la circulation sanguine et provoquent, en fonction des sujets, anémie, violentes crises de douleurs, et un risque accru d’infections.
Cette maladie rare me permet d’aborder la notion de transmission. Je revisite l’environnement médical de mon enfance comme Raymond Depardon revient à la ferme du Garret. Il me reste de mon père l’image d’un médecin d’une grande humanité. Ce que je souhaite transmettre à mon fils, c’est une connexion à la vocation et aux valeurs de son grand-père : chaleur, joie, écoute, attention à autrui… Ce n’est pas la maladie elle-même qui m’intéresse, mais ceux qui la vivent et la croisent.
Cette série de photographies serait une invitation à se glisser un temps dans la peau de celles et ceux que la maladie touche dès le plus jeune âge, pour appréhender leur quotidien. Elle permettrait de percevoir le corps comme un territoire de sensations traversé d’états transitoires.
Comme toutes les maladies chroniques, la drépanocytose induit un rapport au temps complexe. Le quotidien est rythmé par les protocoles de soin, l’imprévisibilité des crises et l’angoisse de leur violence. Et pourtant, en surface, comme une eau dormante, la maladie est invisible.
Alors, comment habiter son corps et vivre avec elle ? Quelle stratégie ou quelles ressources déployer pour l’apprivoiser ? Quelle expérience les malades peuvent-ils nous transmettre ? Que nous disent-ils de nous et de notre humanité ?















Mon père a été médecin généraliste en Bretagne des années 1960 jusqu’à sa retraite au milieu des années 1990. Dans son cabinet médical au rez-de-chaussée de la maison familiale, il a consacré à sa patientèle l’essentiel de son temps, le jour et parfois la nuit. Cet intérêt profond pour l’autre, et la conscience des disfonctionnements du corps, pourraient être un des fils conducteurs de cette série, entamée en 2019.
Je trace ici une ligne entre le passé et le présent – entre mon père et mon fils adoptif. Axel est né en Côte d’Ivoire il y a dix ans. Il est porteur sain d’une drépanocytose AC, maladie génétique héréditaire du sang, dont il ne développera pas les symptômes. Méconnue voire taboue, la drépanocytose concerne 300 000 naissances par an dans le monde. Originaire d’Afrique et d’Inde, elle est aujourd’hui, en raison des flux migratoires, très largement répandue dans la majorité des pays. Elle est caractérisée par une anomalie des globules rouges. Devenus rigides et fragiles, en forme de faucille, ils perturbent la circulation sanguine et provoquent, en fonction des sujets, anémie, violentes crises de douleurs, et un risque accru d’infections.
Cette maladie rare me permet d’aborder la notion de transmission. Je revisite l’environnement médical de mon enfance comme Raymond Depardon revient à la ferme du Garret. Il me reste de mon père l’image d’un médecin d’une grande humanité. Ce que je souhaite transmettre à mon fils, c’est une connexion à la vocation et aux valeurs de son grand-père : chaleur, joie, écoute, attention à autrui… Ce n’est pas la maladie elle-même qui m’intéresse, mais ceux qui la vivent et la croisent.
Cette série de photographies serait une invitation à se glisser un temps dans la peau de celles et ceux que la maladie touche dès le plus jeune âge, pour appréhender leur quotidien. Elle permettrait de percevoir le corps comme un territoire de sensations traversé d’états transitoires.
Comme toutes les maladies chroniques, la drépanocytose induit un rapport au temps complexe. Le quotidien est rythmé par les protocoles de soin, l’imprévisibilité des crises et l’angoisse de leur violence. Et pourtant, en surface, comme une eau dormante, la maladie est invisible.
Alors, comment habiter son corps et vivre avec elle ? Quelle stratégie ou quelles ressources déployer pour l’apprivoiser ? Quelle expérience les malades peuvent-ils nous transmettre ? Que nous disent-ils de nous et de notre humanité ?














