« Des pères qui reposent en nous comme des vestiges de montagnes écroulées. » Rainer Maria Rilke
Chapitre I
Dans ce travail au long cours, j’ai choisi de me concentrer sur le trait de côte.Le mouvement guide cette réflexion sur le paysage maritime. Je l’aborde comme un espace fluide de métamorphoses et d’échanges. C’est là que se joue en première ligne, les phénomènes d’érosion et de montée des eaux, conséquences des mutations climatiques. En ces temps incertains, je confronte des images de roches, de failles, d’usures et de zones d’ombre à une réflexion sur le temps profond de la géologie, du climat, de l’empreinte, de la mémoire. Ces recherches m’amènent à créer un ensemble qui associe le minéral au grand vivant et se déploient sur deux chapitres, le premier en Bretagne nord, le second sur l’archipel des Açores. Les photographies représentent des fragments de paysage, reliées par des lignes imaginaires qui naviguent de l’océan Atlantique à la Manche.
Ce goût profond pour le sauvage et la mer de mon enfance me permet d’entrer en résonance avec un monde vivant qui m’est familier. Je cherche à faire émerger la part du réel pour être au plus près de la captation de son empreinte, de ce qu’André Bazin considère : « comme un moulage, une prise d’empreinte de l’objet par le truchement de la lumière ».
À l’ère de l’anthropocène, comment inscrire un geste artistique pertinent et sensible sur le paysage ? Cette recherche a vocation à évoluer comme tout travail de recherche. Mon désir est de comprendre les enjeux liés au changements climatiques par l’étude du minéral et ses multiples interactions avec le vivant : sa composition, son altération, sa chimie, sa beauté. Il s’agira de saisir les grands mouvements géologiques, les cycles naturels des roches entre évolution, érosion et régénération en intégrant une dimension poétique à mes images.
Du Rivage au mirage est cet espace qui parle du bord d’un monde, d’une frontière poreuse entre les vestiges du passé, le vertige du présent et ce qu’il va advenir.
